Endométriose et chirurgie: mon tour de France



Ma première intervention chirurgicale pour l'endométriose s'est faite en 2010, dans l'urgence la plus totale. Je peux vous dire que les conditions dans lesquelles s'est effectuée cette première coelioscopie sont, en y repensant, un peu effrayantes.

Endométriose et histoire personnelle

Tout d'abord il faut prendre en compte ma situation personnelle. Ma mère m'a laissée en plans à l'âge de 15 ans (et bien plus tôt si on estime que le présentiel ne signifie pas prendre soin d'un enfant ...). Je n'ai reçu de sa part aucune information quant à ma sexualité ou ma féminité. Ma mère n'a pas pris soin de moi et ne m'a pas non plus expliquée comment prendre soin de mon corps.

J'ai eu mes premiers rapports sexuels en 2001, j'avais 15 ans, j'étais seule et perdue néanmoins lucide quant à mon non désir d'enfant. Sans informations, sans appuis, j'ai donc décidé d'aller au planning familial afin d'avoir une contraception. J'ai aussi fait un suivi gyneco tous les deux ans environ.

Personne ne m'avait expliquée comment se passait un contrôle gynécologique. En 9 ans, on a du me faire 3 frottis et je n'ai jamais passé d'écho !! JAMAIS.

Lorsque je disais que j'avais mal, je passais pour la douillette de service et on me filait de l'Antadys ou du Spasfon ...

Diagnostic de mon endométriose

Je n'avais pas détaillé les conditions du diagnostic de mon endométriose dans ce billet d'intro, sans doute pour ne pas tout lâcher d'un coup ... Aujourd'hui, je suis prête à raconter les détails de cette sordide mésaventure ... Attention, chat pique!

En juin 2010, je décide d'arrêter la pilule. Pourquoi? Je me rappelle vaguement que je "sentais" que ce n'était pas bon pour mon organisme et que je voulais aller vers des solutions naturelles.

Et là: catastrophe! 2 mois plus tard, mi-août, je me retrouve avec des douleurs encore plus insupportables que d'habitude, impossible de tenir debout plus de 3 minutes, jambes coupées, douleurs lancinantes, impossible de dormir ...

Une ambulance vient me chercher à 4h du matin.

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Au passage, cela m'a toujours impressionnée la façon dont les ambulanciers comme le personnel du bloc opératoire vous sont généralement indifférents. Ils parlent de la pluie, du beau temps, de leurs histoires perso. ... Je trouve que c'est montrer peu d'humanité face à une personne en grande détresse émotionnelle. Mais bon, peut-être leur apprend on à faire comme si de rien n'était pour dédramatiser justement (je trouve ça plus que tordu, m'enfin bon ...).
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J'atterris en clinique gynécologique, avec un médecin urgentiste alcoolique (oui, oui) qui me fait la PREMIERE écho pelvienne de ma vie. Sur son drôle de petit écran gris, il prend dix milles mesures puis, regarde l'infirmière et lui dis "Josiane, tu me la prépares pour le BLOC steuplé".

WHHHAAAATTTTT ?

J'ai 24 ans. Il est 5h du matin. Je suis seule, désemparée et pétrie de douleurs. La mâchoire m'en tombe. Au bout de 3 minutes de patience, voyant que ma tête paniquée ne donne rien, je finis par demander au médecin: que se passe t il ?? qu'est ce que j'ai ??

On me répond que j'ai une boule de 8cm dans le ventre, qu'il faut opérer en urgence et que c'est bien normal que j'ai mal. L'endométriose est soupçonnée mais à ce stade on me dit qu'il faudra confirmer lors de l'opération.

S'en suivent d'autres échos, un scanner, un chirurgien interne complètement à la masse qui me demande - alors que je suis en fauteuil roulant car je ne peux plus marcher - si j'ai suffisamment mal pour justifier une opération.

Première opération de mon endométriose

On finit par m'opérer. Une coelioscopie. Le kyste de 8cm sur ovaire gauche est retiré et l'endométriose est confirmée.

Je suis anéantie.

Le médecin urgentiste revient me voir et me dit que l'unique espoir de guérison totale et sûre à 100%, c'est de faire un enfant (LOL). Ce à quoi, bien sûr, je ne me résouds pas. On ne fait pas un enfant pour guérir l'endométriose (ou quoique ce soit d'autre d'ailleurs!).

L'interne qui m'a opérée et doit avoir à tout casser 3 ans de plus que moi, vient me voir, me dit qu'il a fait le job (en gros il s'est fait la main en tant qu'interne ...) et que je peux aller me mettre mes questions là où je pense (oui, oui, dit avec des mots un chouhia plus délicats mais le fond c'était bien ça: "je vous ai opérée, j'ai rien à ajouter").

On me colle une infirmière psy au cul car je refuse de dire Amen à la rétention d'informations.

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Une chose aussi très désagréable avec le corps médical: dès lors qu'ils apprennent que vous avez eu des soucis de maltraitance infantile, vous êtes catalogué(e) "personne fragile trop conne" à qui on ne peut / ne doit rien dire (de peur qu'elle ne tienne pas le choc?? de peur qu'il faille faire preuve d'humanité??)
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Tour de France des chirurgiens qui traitent l'endométriose

Je ne sais honnêtement pas ce qui a été fait la première fois. Tout s'est passé dans l'urgence. Entre temps, on m'a confisquée mes compte-rendus opératoires lors de mes visites de contrôle (oui, oui, c'est monnaie courante) donc même aujourd'hui, avec les connaissances que j'ai acquises, je ne peux pas me replonger dans mon dossier pour me dire que j'aurais fait autrement si j'avais su ...

Chat échaudé craint l'eau froide.

J'ai donc entamer le "tour de France des chirurgiens" comme a joliment dit ma meilleure amie. Je suis allée: à Bordeaux, à Rouen, à Lyon et à Clermont Ferrand.

Au CHU de Rouen, on m'a posé deux conditions pour m'opérer:

- que j'accepte une piqûre de Decapeptyl
- que je m'engage à prendre une contraception à vie avant puis après l'opération

Bling, bling, jackpot!

A Bordeaux, le chirurgien attendait de "voir comment ça évolue". Il fallait prendre le traitement anti-douleurs et puis on verrait bien ... Je l'ai vu 2 fois celui-là et à chaque fois, je suis ressortie complètement consternée par la légèreté avec laquelle il traitait mon dossier.

A Lyon, j'y suis allée car la technique des ultrasons m'intéressait énormément. Le Professeur Dubernard est un monsieur très à l'écoute. Malheureusement mes localisations ne me permettaient pas de rentrer - en l'état actuel des choses - dans le protocole à ultrasons.

Enfin, un Professeur au CHU Estaing de Clermont-Ferrand, m'a été recommandé par le site Endopaedia, site qui promeut les travaux du chirurgien David B. Redwine. J'ai lu quelques témoignages et articles çà et là. Le discours semblait coller à ce que je cherchais. Nous nous sommes rencontrés puis après quelques doutes, j'ai pris la décision de me faire opérer par lui.

Pourquoi les doutes? Car le relationnel, ce n'est pas son fort. Les femmes qui ont de l'endométriose recherchent souvent - aussi - un chirurgien qui montrera de l'empathie car enfin, on est souvent diagnostiquée avec des années de retard, on nous a très souvent accusée de tout: de douillette, de patiente qui fait du cinéma, qu'on ferait mieux d'aller voir le psy, qu'on invente (...) alors d'un "spécialiste" de l'endométriose, on attend au moins une chose: qu'il nous montre qu'il nous comprend!

J'ai vite balayé les doutes car à ce stade, vivant sous morphinique H24, je voulais surtout un chirurgien compétent, avec de la bouteille, qui ne m'imposerait pas des piqures à 600€ et une contraception à vie!

Conclusion

Je ne peux qu'encourager les femmes atteintes d'endométriose à faire de même: le tour de France des chirurgiens ! Vous ne pourrez peut-être pas faire autant de CHU que moi ... mais comparez au moins les discours dans 2 voire 3 établissements. Regardez de près les protocoles opératoires, les conflits d'intérêt éventuels, les effets secondaires des traitements hormonaux qu'on veut vous faire prendre!

On ne peut évidemment pas tout maîtriser mais on peut essayer de comprendre et décider en toute conscience. Il vous faudra du courage pour dire "non" aux médecins impérieux, fraîchement sortis de l'internat, et à leurs traitements hormonaux à vie ...

J'espère / Je pense avoir fait de bons choix pour cette seconde opération, j'espère réussir à en faire encore que ce soit pour l'endométriose ou pour d'autres aspects de ma vie ...

Allez, courage et à bientôt!

2 commentaires

  1. Bonjour,

    Votre article m'a beaucoup touché. Je comprends tout à fait ce que vous ressentez. J'ai été moi même opérer pour un très gros kyste à un ovaire et un autre plus petit sur le 2e et je suis depuis sous progestérone en continu pour arrêter ma progression de l'endometriose.
    Je voulais vous demander vous avez dit que vous ne pouviez pas bénéficier des techniques du chu de Lyon. Pourquoi ? Y'a-t-il des conditions ? (j'ai en plus une atteinte au niveau du rectum pour laquelle je n'ai toujours pas voulu me faire opérer car l'opération est lourde et il paraît que les techniques ultrasons sont beaucoup moins invasive).
    Je vous remercie d'avance pour votre réponse et vous souhaite de vous sentir mieux.
    Bon courage.
    Bonne journée,
    Nouran

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    1. Bonjour Zin,

      Je n'ai pas pu bénéficier de cette technique car justement mes lésions ne sont pas intestinales.

      L'appareil qui sert pour ce nouveau protocole a été développé à la base pour traiter les cancers de la prostate (et il paraît que ça marche vraiment super bien!). Du coup, je pense que pour toute atteinte digestive ou rectale, cela peut entrer dans le protocole.

      Je connais une personne qui l'a fait, elle avait des lésions digestives et elle en est ravie. Ca se fait en ambulatoire avec anesthésie locale!! Vous rentrez le matin, vous sortez dans l'après-midi (à priori) sur vos 2 pieds.

      J'ai lu sur littérature en ligne, que si le protocole fonctionne bien sur lésions digestives, ils envisagent de développer l'outil adapté à l'appareil génital féminin. Ce qui serait une très grande nouvelle!

      Bien à vous,
      Merci d'être passée par ici ;)

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